Il demeura quelques instants silencieux et, sous l’étreinte de sa main calme, elle se sentit parfaitement à l’aise, en sécurité, un peu somnolente tandis qu’elle prêtait l’oreille à ses paroles réconfortantes, apaisantes, teintées de cet enjouement merveilleux : « Ce qu’il vous faut, selon le docteur, c’est une bonne grosse pilule pour rendre un peu de couleurs à cette jolie peau blanche. » De nouveau : le docteur ! Paisiblement alors, elle sombra dans une somnolence sans rêves, mais quand, quelques instants plus tard à peine, elle se réveilla et ouvrit les yeux, le docteur était parti.
– Oh Stingo, je m’en souviens si bien, cette terrible panique, il y avait si longtemps que je ne l’avais pas éprouvée. Et c’était tellement bizarre, tu sais ! Je ne le connaissais même pas. Et je ne savais même pas son nom ! J’avais passé une heure avec lui, peut-être même moins, je crois, et voilà qu’il était parti et que cette panique me prenait, cette panique profonde et cette peur qu’il ne revienne jamais, qu’il soit parti pour toujours. Comme quand on perd quelqu’un qui vous est très proche.
Je ne sais quelle romantique lubie me poussa alors irrésistiblement à lui demander si, comme ça, tout à coup, elle était tombée amoureuse. Se pouvait-il que ce fût là l’exemple parfait, demandai-je, de ce mythe merveilleux que l’on appelle le coup de foudre ?
– Non, dit Sophie, ce n’était pas tout à fait ça – pas encore de l’amour, je ne crois pas. Mais, eh bien, peut-être que ça n’en était pas loin.
Elle se tut in instant.
« A dire vrai, je n’en sais rien ! Mais en un sens, c’est idiot, ce genre de chose. Comment peut-on connaître un homme pendant quarante-cinq minutes à peine et éprouver un tel vide sitôt qu’il est parti ? Absolument fou* ! Tu ne crois pas ? J’avais envie folle qu’il revienne. »
William Styron (1925 – 2006), Le choix de Sophie – traduction de Maurice Rambaud
Cupid and Psyche – cliché emprunté à la galerie de Ed Snyder – l’histoire de cette sculpture est à lire ici
Merci Agnès pour cet extrait et cette très belle photo
Je t’en prie – moi aussi j’ai beaucoup aimé cette photo très contrastée…